Les ports du littoral méditerranéen, y-compris ceux de la côte d’Azur, ont été construits dans les années 1970 et financés grâce à un mixte de fonds publics et privés. Les privés (des particuliers) obtenaient une place dans le port (une amodiation, une garantie d’usage pour un certain temps) en contrepartie d’une participation financière à la construction de l’infrastructure. Les concessions accordées aux sociétés mixtes pour gérer ce modèle de financement touchent à leur fin. Celle du port Vauban à Antibes était prévue en Décembre 2021. Elle s’est terminée prématurément en Décembre 2016, pour des raisons d’intérêt général selon la mairie, mais c’est un autre sujet.
Il y a 3000 ans, l’anse Saint-Roch accueillait déjà le port d’Antipolis. Les vestiges des quais sont aujourd’hui enfouis sous l’esplanade du 11 Novembre, non loin de la chapelle Saint-Roch.
A partir du 17e siècle de nombreux plans représentent Antibes, le fort carré et l’anse qui semble assez facile à transformer pour offrir protection aux navires. Les remparts déjà érigés entre la ville et l’îlot Sainte Claire (actuelle esplanade de la Gravette) et jusqu’à l’îlot Saint Jaume, ne traverseront toutefois jamais l’anse, au contraire de ce que suggérait ce projet de l’époque et sa représentation magnifique.
Au 20e siècle, le port a abrité une base aéronavale qui fut bombardée pendant la seconde guerre mondiale, et à propos de laquelle France 3 a publié un reportage en 2021. Un peu passée dans l’oubli semble dire les journalistes.
Les antibois se souviennent peut-être davantage du dépôt d’hydrocarbures créé dans les années 1920. Sans doute car cette activité pétrolière a laissé derrière elle la friche dite « des pétroliers », entre le port, le fort carré et la voie de chemin de fer. En 2021, la commune en prépare le réaménagement (voir la dernière enquête publique sur le Plan Local d’Urbanisme).
Et c’est bien cette activité de transport maritime qui fera émerger la toute première extension contemporaine du port d’Antibes. Il s’agira d’une digue de déchargement et de protection pour les navires pétroliers qui n’auront plus à transiter dans l’anse. Elle sera construite à partir de 1963, entre le bastion Saint-Jaume et l’écueil des cinq-cents francs, pour un montant de 5 millions de francs (MF), que l’Etat, la Chambre de Commerce et la Ville cofinancent comme le montre cette délibération du conseil municipal en Mars 1963.
C’était aussi dès le mois d’août 1963 que les premières idées d’un port de plaisance voient le jour. L’idée est plus qu’une idée puisqu’elle est présentée comme « urgente » en conseil municipal.
Ainsi c’est 5 ans plus tard en1968 que le port de plaisance dans l’anse va vraiment voir le jour. Les délibérations du conseil municipal à propos du projet et de son budget dressent la liste de ce que sera le port « Vauban – Anse Saint Roch ». Pourquoi Vauban, cela n’est pas dit (NB: le fort carré n’est pas une construction de Vauban).
– Interlude : notons à la lecture du registre des délibérations que le port abri de l’Olivette a échappé à la décision d’en faire un vrai port ; serait-il alors l’un des endroits les plus photographiés du cap d’Antibes ?! Rien est moins sûr –
Retour à « Vauban » : on y prévoit la création d’un brise-lame, extension de la digue des pétroliers, et l’accueil de 1106 bateaux de 6 à 45m. Son financement sera assuré en partie par l’état, la ville et des amodiations. Pour un total de 30 MF.
– Re-interlude : notons que, malgré son accord, le préfet a jugé bon dans le même temps d’interdire toute idée de voir le port enclaver le fort carré ! Fallait-il le dire ?… –
Dans la foulée, le conseil municipal décide de la création de la société d’économie mixte qui assurera le financement et l’exploitation du port et qui voit le jour le 1er Janvier 1972. Ce sera la SAEM Port Vauban, dont l’objet est de mener à bien le projet jusqu’en 2021. La ville est actionnaire majoritaire de la société au côté de particuliers qui, contre une somme d’argent, se voient octroyés un droit d’usage (amodiation) d’une place de port pendant 50 ans.
Dès 1979, le conseil municipal déclenche une restructuration du port se traduisant en 1982 par un nouveau projet qui deviendra le port que nous connaissons aujourd’hui : création du quai des milliardaires et de la nouvelle capitainerie sur la digue pétrolière et le brise-lame, création des pannes flottantes, déplacement des chantiers navals depuis le Bastion Saint-Jaume vers l’avant port au pied du fort carré, etc… Le financement sera assuré via la création de la société privée IYCA, dont les actionnaires jouiront en contrepartie de garanties d’usage de places jusqu’en 2022 (année à laquelle l’infrastructure devient propriété totale de la ville).
Le projet sera réalisé en 2 phases dont le coût de la première, initialement prévu à 30 MF (de 1979) sera revu à 77 MF (de 1984). La seconde phase aura un coût approximatif de 59 MF. C’est ce qu’expose fort bien cette délibération municipale d’Octobre 1987. A noter l’analyse de la DDE en 1986 mentionne un coût total de 151 MF (de 1983).
Bon, au final, combien a coûté le port Vauban, si on l’avait payé avec des euros d’aujourd’hui ?
Travaux | Année | Coût de l’époque (Millions de Francs) | Coût à parité euros actuel (Millions d’euros) |
Dragage du bassin de l’anse, création de la digue des pétroliers | 1963 | 5 | 7,4 |
Création des quais et de la capitainerie | 1968 | 30 | 38,1 |
Création du quai des milliardaires | 1984 | 77 | 22,9 |
Déplacement des chantiers navals et quai Y | 1987 | 59 | 15,6 |
TOTAL | 84 |
Pour ainsi dire, en 50 ans, il a fallu dépenser l’équivalent de 84 M€ actuels pour profiter du port actuel.
Alors en 2016, à l’approche de la fin de ce que l’on peut appeler un cycle économique, la municipalité décide d’un nouveau projet destiné à réaliser « le port du 3e millénaire ». Résultat de l’appel d’offres : un projet d’investissements de 145 M€, sur 25 ans selon la délibération d’attribution du marché à Vauban 21, filiale de la CCI Nice Côte d’Azur majoritaire à 51%. Il y est question de détruire une capitainerie pour la reconstruire en Yacht Club, d’ériger 2 nouveaux bâtiments de services, d’enfouir les parkings, de remettre le chantier naval aux normes actuelles, et globalement améliorer le port.
Comment conclure autrement qu’en s’interrogeant : 84 M€ en 50 ans pour faire sortir le port de l’eau, et maintenant 135 M€ en 2 fois moins de temps pour le remettre au goût du jour. N’y aurait-il pas un peu d’exagération autour de ce port Vauban du 3e millénaire ?
Ci-dessous, le détail des investissement à venir, synthétisés à partir de documents de la ville. A y regarder de près, au moins 2 questions se posent :
– les antibois savent-ils tout cela ?
– quels travaux/quels coûts relèvent de l’entretien et des services du port, donc des redevances des plaisanciers ?
La liste des questions ne fait que s’allonger!!