Chronique de plus de 3 ans de recherches, pour presque tout savoir et essayer de comprendre pourquoi les usagers plaisanciers et professionnels du port Vauban à Antibes expriment régulièrement leur désarroi voire leur colère. Virés, évincés, exclus.
Si certains pensent qu’il y a des erreurs, ont des questions, ou ont besoin de clarifications, ne pas hésiter à les rapporter par email à vauban@clupp-riviera.fr.
Préambule
Le domaine portuaire reste public. La commune en a certes délégué la gestion mais elle reste l’autorité portuaire. Elle accorde au délégataire de faire ou de ne pas faire, dans le cadre du contrat. La ville a autorité sur l’accessibilité du domaine portuaire.
Les Chambres de Commerce et d’Industrie sont des établissements publics administrés par des dirigeants d’entreprises élus par leurs pairs tous les 5 ans. Elles ont pour mission de contribuer au développement économique des territoires, des entreprises et de leurs associations.
Alors que l’état baisse la dotation de l’état au budget des communes, alors que d’ailleurs la commune d’Antibes est dans une situation financière que la cour des comptes juge délicate, alors que les Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI) voient leurs dotations baisser, on peut imaginer que toutes deux cherchent de nouvelles ressources financières. Mais est-ce bien l’objet d’un service public que de financer communes et CCI ?
La chronologie de la gestion du contrat de délégation
En 2015, alors que la concession du port Gallice arrive à son terme en 2017, la ville d’Antibes décide de passer un appel d’offre pour la mise en Délégation de Service Public (DSP) non seulement du port Gallice mais aussi du port Vauban, dont l’échéance de la concession de ce dernier est fin 2021. La ville justifie l’ouverture anticipée de la procédure pour le port Vauban par la poursuite de l’intérêt général.
Question : Comment définir l’intérêt général ?
En Décembre 2016 le groupement formé par la CCI (51%), la Caisse des Dépôts et Consignations (39%) et la Caisse d’Epargne Côte d’Azur, remporte le marché de DSP pour l’aménagement et l’exploitation du port Vauban à Antibes. Le même groupement remporte aussi le même marché pour le port Gallice.
Question : Pourquoi le même groupement parvient-il à remporter les 2 ports ?
Le 1er Janvier 2017 la société Vauban 21 prend l’exploitation du port pour une durée de 25 ans. La délégation est de type concessive, c’est à dire qu’il revient au délégataire d’entreprendre des travaux d’aménagements nouveaux en plus de la simple exploitation. On parle de 135 millions d’euros d’investissement.
Le contrat de DSP, qui reprend l’offre du délégataire, stipule que ce dernier ne compte pas mettre en oeuvre des Contrats de Garanties d’Usage (CGU). Ces contrats permettent pourtant au délégataire de financer les travaux grâce à la participation financière de plaisanciers qui obtiennent en retour la garantie d’avoir toujours une place dans le port pendant le temps du contrat.
Question : Comment Vauban 21 entend-elle financer les travaux ?
Le délégataire verse à la ville une caution de 32 millions d’euros que le ville devra rembourser en fonction de l’avancement des aménagements, selon un calendrier établi.
Question : D’où les 32 millions viennent-ils ?
Le délégataire doit verser à la ville chaque année pendant toute la durée de la DSP une redevance d’exploitation d’environ 13 millions d’euros HT, à laquelle s’ajoute une part variable.
Question : le port réalisant habituellement un chiffre d’affaires d’environ 10 millions d’euros (quai des milliardaires compris), et le port versant une redevance de 500 000 euros à la ville, ce montant ne parait-il pas énorme ?
En Mars 2019, la mairie et la CCI signent (déjà) un avenant au contrat de DSP qui, accélère le remboursement de la caution, accorde (a posteriori) la commercialisation de contrats de garanties d’usage, établit un plan de lissage des augmentations tarifaires pour les associations et les pannes flottantes, et ajoute au moins une année à la durée de concession.
Question-réponse : pourquoi accélérer le remboursement ? Parce que la caution est une dette, et que la ville doit lancer un plan de désendettement (…Que n’y ont-ils pas pensé 2 ans plus tôt, hein…) probablement suite au rapport de la cour des comptes de 2018. Et aussi peut-être pour aider la CCI si elle s’aperçoit que son plan d’affaires a du plomb dans l’aile ?
En Juillet 2019, le périmètre de la concession est agrandi, en intégrant le pré des pêcheurs au domaine portuaire.
Question : Qu’en disent les concurrents rejetés D-MARIN/OCIBAR, Salamanca, MAVEBURG et Morley ? …
A la fin de 2021, la ville devra avoir rendu 16 millions de la caution.
Question : Cela correspond-il vraiment au niveau de réalisation des investissements ?
En fin, en Août 2021, nous faisons l’analyse succincte des comptes de Vauban 21. Elle vaut ce qu’elle vaut.
En 2021, le parquet de Grasse mène des enquêtes préliminaires suite à 2 signalements de l’association Anticor. Le directeur général de la CCI (aussi directeur général de Vauban 21) démissionne.
Les problèmes visibles (liste non-exhaustive car il y en a trop !)
En Mai 2017, les plaisanciers en sous-location de la prud’homie des pêcheurs reçoivent une facture rectificative qui, pour certains, double subitement leur tarif !
En Septembre 2017, la prud’homie des pêcheurs signe une convention avec Vauban 21 afin de corriger ce que Vauban 21 lui indique être illégal, à savoir la sous-location de ses places à des plaisanciers non-pêcheurs professionnels.
Question : comment la CCI était-elle sûre en Mai 2017 de pouvoir facturer à sa guise alors que la convention n’était pas signée ?
En Juin 2017, le délégataire décide de fermer l’accès au quai des milliardaires, tantôt parce qu’un agent s’y est fait agressé, tantôt parce que c’est ce que les propriétaires de yachts veulent, tantôt parce que c’est le code ISPS (Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires). Les rumeurs permettent de noyer la vérité.
Question : la mairie étant l’autorité portuaire qui décide entre autre de l’accès au domaine public, où est l’arrêté municipal d’interdiction depuis toutes ces années ?
En 2017, le délégataire décide de remesurer tous les bateaux par ses propres moyens, avec ou sans le propriétaire, et émet des factures selon les dimensions qu’il a trouvées. Peu importe les données constructeur et/ou l’acte de francisation du navire.
Question : est-ce respectueux ?
En 2019, la CCI ferme l’accès au parking face aux pannes flottantes, monnayant au passage l’accès automobile aux pannes et aux chantiers navals, tant pour les plaisanciers que pour les professionnels.
Question : est-ce inscrit dans le contrat de DSP ? La mairie en a-t-elle accordé le droit ?
De 2021 à 2023 les plaisanciers des pannes flottantes voient leurs tarifs multipliés par 2 voire pire selon la catégorie.
Question : qu’est ce qui justifie ces augmentations alors que les services n’évoluent même pas ?
De 2021 à 2026 les plaisanciers adhérents des associations reconnues d’intérêt général voient leurs tarifs augmenter d’environ 15% par an, et doublent plus ou moins eux-aussi.
Question : d’ailleurs, pourquoi une différence de traitement entre les différentes zones qui ont été impactées par la hausse (prud’homie, associations, pannes flottantes) ?
Fin 2020, les amodiataires qui n’ont pas contracté de garantie d’usage (et ils sont nombreux) reçoivent un courrier pour leur dire qu’ils seront en liste d’attente dès le 1er Janvier 2022. (« Viens donc signer un CGU, vite ! Avant que d’autres ne te prennent ta place … »).
Et changement de règle, seuls les propriétaires de bateau de plus de 13m pourront contracter une garantie d’usage. De plus, Vauban 21 fait comprendre aux possesseurs de tels bateaux qu’ils n’auront une place que s’ils contractent une garantie d’usage. (« Tu vas l’acheter cette place, de gré ou de force !« ).
Question : est-ce bien conforme au contrat de DSP ?
En 2020, la CCI attribue la sous-délégation du chantier naval à Monaco Marine. Les petits chantiers étaient incapables de concourir à la reprise vu les investissements demandés. Monaco Marine aura le monopole sur le port, les petits chantiers historiques licencient leur personnel et ferment.
Question : Monaco Marine a repris le chantier naval de Gallice, et maintenant cette société reprend aussi l’aire de carénage de Vauban. Monopole à Antibes ?
Les soupçons d’illégalités et d’irrégularités
La ville n’applique pas le code des transports (1, 2) notamment
– en ne réunissant pas annuellement l’ensemble des usagers
– en ne produisant pas les compte-rendus de conseil portuaire annuel
Le délégataire n’applique pas le code des transports, notamment en ne respectant pas l’obligation d’affichage des tarifs à tous les endroits fréquentés du port.
Le délégataire n’applique pas les termes du contrat de DSP.
Le délégataire mentirait aux propriétaires de navires de plus de 13m et leur disant qu’ils ne peuvent rester annuellement qu’à condition de contracter une garantie d’usage. Ils ne pourraient pas louer à l’année. « Donc paie, ou pars.« .
De nombreux usagers du port disent se sentir « rackettés ».
La concurrence n’est pas respectée. Le projet présenté par la CCI et retenu par la ville sera amendée dans les mois qui suivent la signature. Par exemple la mise en place des CGU, l’agrandissement du périmètre (intégration du pré des pêcheurs)… mais qu’en disent donc les concurrents rejetés D-MARIN/OCIBAR, Salamanca, MAVEBURG et Morley ?
Les contrats de garantie d’usage ne financent pas d’infrastructure portuaire nouvelle et financent des travaux pas forcément en lien avec les services portuaires. Conduisant à des soupçons d’abus de confiance.
La redevance variable qui s’ajoute au 12 millions d’euros HT annuels, se compose d’une contribution sur les contrats de garanties d’usage et finance donc la ville, alors que le produit des CGU doit exclusivement financer l’infrastructure.
Les travaux actuels ne pourraient être payés qu’avec le produit de nouveaux contrats de garantie d’usage.
La CCI ne remplit pas une de ses missions de contribuer au soutien des entreprises, qui étaient nombreuses sur les chantiers navals.
La direction du port soupçonnée d’atteinte à la probité.
La ville a accepté que l’esplanade du 11 Novembre puisse devenir un parking souterrain alors que l’état la lui a concédée sous réserve d’exploitation non-commerciale…
Peu de ports font le choix de la transparence quant aux données des listes d’attente.
Pour aller plus loin
Un article de 2018, depuis effacé : Port d’Antibes – CCI : ça prend l’eau
Une action bien compliquée pour obtenir la communication des rapports de gestion de Vauban 21
Les réponses de Vauban 21 à des questions posées au nom des usagers du port
Les usagers des ports ont des droits !
Le port de Cannes visé par une enquête judiciaire
La marina de Villeneuve Loubet fait l’objet d’une enquête préliminaire